4.2.11

Parler


J’ai envie de commencer par la fin. De te parler de ce dernier jour liquide, de notre errance dans cette ville gigantesque, embuée, mouvante, des trottoirs boueux qui fondaient sous nos pieds, des gouttes lourdes sur mon front, sur mes joues, mes bras et mes jambes nues, du ciel ruisselant et chaud qui se brisait sur le bitume. J’ai besoin de te dire qu’il avait plu sans s’arrêter ce jour-là, mais que l’averse avait ceci de joyeux qu’elle lavait la terre et la consolait. Elle pansait les plaies béantes d’un monde tout en couleurs, tout en mouvements ; c’était une eau mercurochrome, qui trempait la misère, inondait les rues et la poitrine ouverte des immeubles haletants, une eau pansement qui s’infiltrait partout, jusque dans le cœur, qui s’enfuyait dans les rigoles sales, pénétrait chacun des interstices les plus infimes. Je peux te dire qu’on a marché sans fermer les paupières. Que la pluie, en criant, a accentué les formes. On a pris le temps de s’évaporer. De piétiner le sol avec force, comme pour dire : nous sommes passés là et nous avons vécu. Nous avons vu. Nous avons pillé ces deux mois comme des gamins en colère, on a été heureux, on reviendra. Vous voyez la trace de ma sandale pourrie dans l’asphalte ? C’est un petit bout de moi-même que je reviendrai chercher un jour. Je la laisse là, on se reconnaîtra.
C’est vrai, j’aime regarder les villes pleurer. C’est beau quand elles ont les yeux pleins de larmes et la lumière en tombant, se noie dans les flaques. Il est des flaques de toutes les couleurs ; des flaques feux verts, des flaques sordides, des flaques aux grosses joues tristes, des flaques fenêtres, des flaques d’acier, des flaques partout des flaques, qui photocopient le ciel et les gens. Des flaques qui te crachent à la gueule quand tu fous ton pied dedans. Ces flaques font de Bombay une ville aux yeux immenses. Voilà comme on grandit ; les yeux dans les yeux. Alors dans tous les coins mon regard dégouline, mes pupilles écarquillées respirent, mes idées s’agrandissent. Je bois la trajectoire des rickshaws qui se croisent, leurs fumées noires, les ondées mouillées de la foule abritée sous les bâches en plastique, les toits de tôle, je bois si fort que ça me monte à la tête et que j’en deviens ivre.

3 commentaires:

Carlit a dit…

J'aime beaucoup…

LadyDay a dit…

De même :)

Yago Richelly a dit…

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