29.1.11

L'énigme

Udaipur, 
Inde 2010

  "Tombés de la cime du ciel, des flots de soleil rebondissent brûtalement sur la campagne autour de nous. Tout se tait devant ce fracas et le Lubéron, là-bas, n'est qu'un énorme bloc de silence que j'écoute sans répit. Je tends l'oreille, on court vers moi dans le lointain, des amis invisibles m'appellent, ma joie grandit, la même qu'il y a des années. De nouveau, une énigme heureuse m'aide à tout comprendre. 
   Où est l'absurdité du monde ? Est-ce le resplendissement ou le souvenir de son absence ? Avec tant de soleil dans la mémoire, comment ai-je pu parier sur le non-sens ? On s'en étonne, autour de moi; je m'en étonne aussi, parfois. Je pourrais répondre, et me répondre, que le soleil justement m'y aidait et que sa lumière, à force d'épaisseur, coagule l'univers et ses formes dans un éblouissement obscur. Mais cela peut se dire autrement et je voudrais, devant cette clarté blanche et noire qui, pour moi, a toujours été celle de la vérité, m'expliquer simplement sur cette absurdité que je connais trop pour supporter qu'on en disserte sans nuances. Parler d'elle, au demeurant, nous mènera de nouveau au soleil.
   Nul homme ne peut dire ce qu'il est. Mais il arrive qu'il puisse dire ce qu'il n'est pas. Celui qui cherche encore, on veut qu'il ait conclu. Mille voix lui annoncent déjà ce qu'il a trouvé et pourtant, il le sait, ce n'est pas cela. Chercher et laisser dire ? Bien sûr. Mais il faut, de loin en loin, se défendre. Je ne sais pas ce que je cherche, je le nomme avec prudence, je me dédis, je me répète, j'avance et je recule. On m'enjoint pourtant de donner les noms, ou le nom, une fois pour toutes. Je me cabre alors; ce qui est nommé, n'est-il pas déjà perdu ? Voilà du moins ce que je puis essayer de dire."

Albert Camus, extrait de "L'été".

23.1.11

Man dies. Man dies. Man Dies.

Jean-Michel Basquiat, 1960-1988

... faut me le dire si on trouve plus triste un jour.

(Amour démesuré)

18.1.11

En respirant


"Parfois je respire plus fort et tout à coup, ma distraction continuelle aidant, le monde se soulève avec ma poitrine. Peut-être pas l'Afrique, mais de grandes choses. Le son d'un violoncelle, le bruit d'un orchestre tout entier, le jazz bruyant à côté de moi, sombrent dans un silence de plus en plus profond, profond, étouffé. Leur légère égratignure collabore (à la façon dont un millionème de millimètre collabore à faire un mètre) à ces ondes de toutes parts qui s'enfantent, qui s'épaulent, qui font le contrefort et l'âme de tout."

Henri Michaux, extrait de "La nuit remue"

11.1.11

Bollywood spirit


Tournage Bollywood,
(pub ici)
Taj Mahal Palace, 
Bombay, Inde,
2010


500 roupies pour 13 heures de travail* ! Mais le buffet valait (GRAVE) le coup, et puis débarquer sur un tournage de pub, errer dans un hôtel de luxe en espadrilles, porter des costumes® Babou, foirer deux tentatives d'évasion et se faire maquiller à la truelle par un inconnu moins de 12h après avoir été catapultée à la fois dans l'Inde et dans Bombay, ça n'a pas de prix.

9.1.11

Pardon pour ça


Mais depuis que les photos de voyage ont toutes été balancées, autant te prévenir que ce blog risque de sérieusement basculer dans l'absurde. Au moins pendant quelque temps.

Heureusement, il nous reste l'hiver, le taf, la sonnerie du réveil, les mecs charmants du samedi soir, l'air frais de la ville, l'ennui, le nez qui coule, les transports en commun, la litière du chat, Benjamin Castaldi, le four à micro-ondes, les réjouissances administratives,  la poésie.

4.1.11

La tête la première



Liège, Belgique 
Maastricht, Hollande
29-30-01-2010/1


CHER,

C'est en ce moment pour moi une sale époque, toutes les époques d'ailleurs sont déguelasses dans l'état où je suis. Vous n'imaginez pas à quel point je puis être privé d'idées. Je n'ai même pas les idées qui pourraient correspondre à ma chair, à mon état de bête physique, soumise aux choses et rejaillissant à la multiplicité de leurs contacts. Et la bête mentale n'en parlons pas. Ce que j'admire, ce pour quoi j'ai appétit, c'est la bête intelligente qui cherche, mais qui ne cherche pas à chercher. La bête qui vit. Il ne faut pas que l'agrégat de la conscience se défasse. Ce qui me fait rire chez les hommes, chez tous les hommes, c'est qu'ils n'imaginent pas que l'agrégat de leur conscience se défasse; à n'importe quelle opération mentale qu'ils se livrent, ils sont sûrs de leur agrégat. Cet agrégat qui remplit chacun des interstices de leurs plus minimes, de leurs plus insoupçonnables opérations, à quelque stade d'éclaircissement et d'évolution dans l'esprit que ces opérations soient parvenues. Il ne s'agit pas de cela, il ne s'agit jamais de cela. 
J'en suis au point où je ne sens plus les idées comme des idées, je ne les vois plus, je n'ai plus le pouvoir qu'elles me secouent comme telles, et c'est pourquoi, probablement, je les laisse passer en moi sans les reconnaître. Mon agrégat de conscience est rompu. J'ai perdu le sentiment de l'esprit, de ce qui est proprement pensable, ou le pensable en moi tourbillonne comme un système absolument détaché, puis revient à son ombre. Et bientôt le sensible s'éteint. Et il nage comme des lambeaux de petites pensées, une illumination descriptive du monde, et quel monde!
Mais au milieu de cette misère sans nom, il y a place pour un orgueil qui a aussi comme une face de conscience. C'est si l'on veut la connaissance par le vide, une espèce de cri abaissé et qui au lieu qu'il monte, descend. Mon esprit s'est ouvert par le ventre, et c'est par le bas qu'il entasse une sombre et intraduisible science, pleine de marées souterraines, d'édifices concaves, d'une agitation congelée. Qu'on ne prenne pas ceci pour des images. Ce voudrait être la forme d'un abominable savoir."

A. Artaud,"nouvelle lettre sur moi-même"


J'ai coupé un passage qui me plaisait moins, comme ça. J'hésite à tricher. Je triche, mais je dis que je triche.
 
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