30.11.10

On me parle du vertige pendant la chute



Désert du Thar,
Frontière du Pakistan,
Inde, Octobre 2010


     C'est dans le désert que j'ai commencé à lire "Terre des hommes", que j'avais jeté dans mon sac au moment du départ, un mois auparavant. Avec "Vol de nuit", j'avais déjà réalisé que St Exupéry faisait partie de ces rares auteurs qui, dans la lignée de Romain Gary ou Boris Vian, résonnent en moi comme un écho; parce que les mots sont simples, justes, que mis les uns à la suite des autres, ils semblent briller, réchauffer, consoler, élever, même.
"Terre des hommes" est tombé sur moi comme un avion qui s'écrase; l'auteur décrivait exactement ce que j'étais en train de vivre au moment exact où j'étais en train de le vivre.

"Et je me souviens d'un songe...

Echoué ainsi une autre fois dans une région de sable épais, j'attendais l'aube. Les collines d'or offraient à la lune leur versant lumineux, et des versants d'ombre montaient jusqu'aux lignes de partage de la lumière. Sur ce chantier désert d'ombre et de lune, régnait une paix de travail suspendu, et aussi un silence de piège, au coeur duquel je m'endormis.

Quand je me réveillai, je ne vis rien que le bassin du ciel nocturne, car j'étais allongé sur une crête, les bras en croix et face à ce vivier d'étoiles. N'ayant pas compris encore quelles étaient ces profondeurs, je fus pris de vertige, faute d'une racine à quoi me retenir, faute d'un toit, d’une branche d’arbre entre ces profondeurs et moi, déjà délié, livré à la chute comme un plongeur. Mais je ne tombai point. De la nuque aux talons, je me découvrais noué à la terre. J’éprouvais une sorte d’apaisement à lui abandonner mon poids. La gravitation m’apparaissait souveraine comme l’amour. Je sentais la terre étayer mes reins, me soutenir, me soulever, me transporter dans l’espace nocturne. Je me découvrais appliqué à
l’astre, par une pesée semblable à cette pesée des virages qui vous appliquent au char, je goûtais cet épaulement admirable, cette solidité, cette sécurité, et je devinais, sous mon corps, ce pont courbe de mon navire.

J’avais si bien conscience d’être emporté, que j’eusse entendu sans surprise monter du fond des terres, la plainte des matériaux qui se réajustent dans l’effort, ce gémissement des vieux voiliers qui prennent leur gîte, ce long cri aigre que font les péniches contrariées. Mais le silence durait dans l’épaisseur des terres. Mais cette pesée se révélait, dans mes épaules, harmonieuse, soutenue, égale pour l’éternité. J’habitais bien cette patrie, comme les corps des galériens morts, lestés de plomb, le fond des mers. Et je méditais sur ma condition, perdu dans le désert et menacé, nu
entre le sable et les étoiles, éloigné des pôles de ma vie par trop de silence."


     Je ne sais pas pourquoi il y a plus d'étoiles dans le désert. Peut-être que c'est une façon de rééquilibrer le monde. Puisqu'il n'y a ni eau, ni vie, que les dunes de sable et la terre aride s'écoulent, dans toutes les directions, puisque le soleil brûlant aspire même la couleur du ciel, que les hommes n'ont rien, jamais, mais survivent... peut-être leur part d'étoiles a été plus importante. Peut-être que la nuit seule remplit ce que le jour s'applique à vider.

27.11.10

Darjeeling Limited


Darjeeling, Inde, Octobre 2010

24.11.10

Voleuse


J'étais partie.
 
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