31.3.11

L'eau de là



Montpellier,
mars 2011

28.3.11

50 dessins pour assassiner la magie



"Le 9 décembre 1945, Antonin Artaud écrit, depuis Rodez, à Henri Parisot. Il dénonce les arméees d'envoûteurs qui de toutes parts le guettent pour faire irruption en lui, camper dans son esprit, parasiter sa chair, se nourrir de sa vie
il dit ce que c'est que de porter en soi un telle armée, d'être pour soi-même une terre fourmillante et désertée, de ne trouver à l'intérieur de soi que l'enfer des êtres extérieurs à soi,
il dit, pire que la douleur, que l'éternel enfer est l'explosion de son véritable moi.
Dans cette lettre du 9 décembre 1945, il délire, on peut appeler ça comme ça aussi, il est Jésus mis en croix sur le Golgotha puis jeté sur un tas de fumier, il est le blasphémateur et l'évêque de Rodez, saint Antonin et Lucifer
et dans les cahiers qu'il noircit cet hiver là, il se proclame, en outre, père-mère, homme-femme, matière frénétique de tous les engendrements, matrice de filles innombrables
son corps a pris les dimensions de l'univers entier, est devenu la terre d'élection des théogonies, son esprit le fuit mais ramasse en lui toute l'histoire de l'humanité,
il est le maître du réel, le possible est ce dont il décide, l'infini lui obéit car dit-il,
le réel, comprends pas
il est le réel lui-même, sonore, débordant, pulsatile,
qu'il soit aussi Antonin Artaud
Mr Antonin Artaud né à Marseille le 4 septembre 1896 pour être précis,
il le signale encore, mais c'est de peu d'intérêt, une idée de derrière la tête, une thèse périmée,
en revanche il est une chose qu'il sait, qui surnage dans ce naufrage, une vérité calme et limpide
à laquelle on sent, lorsqu'il l'énonce, qu'il peut, pour un instant au moins, s'arrimer :
Je suis un grand poète et c'est tout."

Première page du livre de Gwenaëlle Aubry, "Personne"
(j'ai respecté la mise en page originale)

13.3.11

Epanouis, enivrés et heureux

Collioure,
2010

Je revois la ville en fête et en délire / suffoquant sous le soleil et sous la joie / Et j'entends dans la musique les cris, les rires / qui éclatent et rebondissent autour de moi / Edith Piaf - La foule

11.3.11

Les catastrophes surnaturelles

Etats-unis,
Septembre 2009
J'ai tellement rêvé de toi
J'ai tellement marché, tellement parlé,

Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi,
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres,
D'être cent fois plus ombre que l'ombre,
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
Dans ta vie ensoleillée.

Robert Desnos, Dernier poème, 1945


J'avais déjà publié ce poème il y a quelques jours, mais je l'ai réenregistré comme brouillon quelques heures plus tard. Je trouvais finalement assez nul de le publier sans expliquer son histoire, parce que ça a toujours été un de mes préférés... en partie sûrement à cause de tout le mystère qui plane autour. C'est un peu dur de démêler le vrai du faux. 
I



l existe de nombreuses versions (c'est une réécriture d'un poème que Desnos a écrit en 1930, dans "Corps et biens").












Robert Desnos a été arrêté le 22 février et est mort le 8 juin 1945 dans un camp de concentration, au moment de la libération (clic). On aurait retrouvé ce poème sur lui à sa mort. J'aimerais bien te dire à quel point je trouve ces huit petites lignes extraordinaires. J'ai essayé, hein, je te jure. Mais je n'y arrive pas.

8.3.11

Ca a débuté comme ça



    Hier soir, le nez dans la bibliothèque de mon père. Je cherche Céline, j’ai changé d’avis, subitement. Des années qu’il me dit que « Voyage au bout de la nuit » est un des plus grands bouquins au monde, le plus grand, peut-être. Des années que moi je me refuse à lire ce livre, un truc sur la guerre, écrit par un mec qui a eu des propos haineux dégueulasses… non, décidément, non. Mais tu vois, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Pourquoi maintenant ? Ma mère avant ça, gentiment, était venue me trouver dans l’après-midi, son petit ordinateur sous le bras. J’avais roulé au fond du lit, avec de la fièvre, et je dormais plus ou moins. Elle s’est assise près de moi, a ouvert ses mails ; dedans, une vidéo de Lucchini qui déclamait Céline. Les premiers paragraphes de « Mort à Crédit ». Ca m’a réveillée un peu. J’ai écouté. Ding ding, ça a fait, comme une cloche, un tintement. Je sais pas faire grand chose, mais je reconnais. Je sais quand les gens écrivent bien, ça me remue un truc dans le ventre ou les tripes ou tout. Céline écrivait bien, je pouvais pas le nier ; ça sortait de la bouche de Lucchini et ça sonnait juste. Ca nous a un peu contrariées, ma fièvre et moi, alors je me suis rendormie.

   Maintenant, j’en suis là : bien sûr que Céline fait partie des plus grands, des gigantesques même. Je pourrais mettre chacune de ses phrases ici, j’ai choisi de mettre un passage du début. Je peux pas te dire que c’est le meilleur parce qu'il semble bien que chez Céline, le meilleur soit partout. Puis de toute façon, je n’ai pas encore fini le livre. Mais c’est si large, si fou, tous ces mots mis ensemble, qui se mélangent, qui tapent contre la tête et les yeux, qu’il fallait que je te le dise, quoi. Maintenant, au moins... ça, c’est fait...

-----------------------------------------------------------------

"Ce fut la fin du dialogue parce que je me souviens bien qu'il a eu le temps de dire tout juste : "Et le pain ?" Et puis ce fut tout. Après ça, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu'il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c'était fini, que j'étais devenu du feu et du bruit moi-même. Et puis non, le feu est parti, le bruit est resté longtemps dans ma tête, et puis les bras et les jambes qui tremblaient comme si quelqu'un vous les secouait de par derrière. Ils avaient l'air de me quitter, et puis ils me sont restés quand même mes membres. Dans la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l'odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les puces et les punaises de la terre entière.

Tout de suite après ça, j'ai pensé au Maréchal des logis Barousse qui venait d'éclater, comme l'autre nous l'avait appris. C'était une bonne nouvelle. Tant mieux ! que je pensais tout de suite ainsi : "C'est une bien grande charogne en moins dans le régiment!" Il avait voulu me faire passer au conseil pour une boîte de conserves. "Chacun sa guerre que je me dis. De ce côté-là, faut en convenir, de temps en temps, elle avait l'air de servir à quelque chose la guerre! J'en connaissais bien encore trois ou quatre dans le régiment, de sacrées ordures que j'aurais aidé bien volontiers à trouver un obus comme Barousse. Quand au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi était mort. Je ne le vis plus, tout d'abord. C'est qu'il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l'explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s'embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours, mais le cavalier n'avait plus sa tête, rien qu'une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ca avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c'était arrivé. Tant pis pour lui! S'il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé. Toutes ces viandes saignaient énormément ensemble.

Des obus éclataient encore à la droite et à la gauche de la scène. J'ai quitté les lieux sans insister, joliment heureux d'avoir un aussi beau prétexte pour foutre le camp. J'en chantonnais même un brin, en titubant, comme on a fini une bonne partie de canotage et qu'on a les jambes un peu drôles. "Un seul obus! C'est vite arrangé les affaires tout de même, avec un seul obus", que je me disais. "Ah! dis donc! que je me répétais tout le temps. Ah! dis donc!... "

Il n'y avait personne au bout de la route. Les allemands étaient partis. Cependant, j'avais appris trés vite ce coup-là à ne plus marcher désormais que dans le profil des arbres. J'avais hâte d'arriver au campement pour savoir s'il y en avait d'autres au régiment qui avaient été tués en reconnaissance. Il doit y avoir des bons trucs aussi, que je me disais encore, pour se faire faire prisonnier!... Cà et là des morceaux de fumée âcre s'accrochaient aux mottes. "Ils sont peut-être tous morts, à l'heure actuelle ? que je me demandais. Puisqu'ils ne veulent rien comprendre à rien, c'est ça qui serait avantageux et pratique qu'ils soient tous tués très vite... Comme ça on en finirait tout de suite... On rentrerait chez soi... On repasserait peut-être place Clichy en triomphe... Un ou deux seulement qui survivraient. Dans mon désir... Des gars gentils et bien balancés, derrière le général, tous les autres seraient morts comme le colon.. Comme Barousse... Comme Vanaille (une autre vache)... etc. On nous couvrirait de décorations, de fleurs, on passerait sous l'Arc de Triomphe. On entrerait au restaurant, on vous servirait sans payer, on payerait plus rien, jamais plus de la vie! On est les héros! qu'on dirait au moment de la note... Des défenseurs de la Patrie! Et ça suffirait!... On payerait avec des petits drapeaux français!... La caissière refuserait même l'argent des héros et même elle vous en donnerait, avec des baisers quand on passerait devant sa caisse. Ca vaudrait la peine de vivre."

Je m'aperçus en fuyant que je saignais du bras mais un peu seulement, pas une blessure suffisante du tout, une écorchure. C'était à recommencer. Il se remit à pleuvoir, les champs des Flandres bavaient l'eau sale. Encore pendant longtemps je n'ai rencontré personne, rien que le vent et puis peu après le soleil. De temps en temps, je ne savais d'où, une balle, comme ça, à travers le soleil et l'air, me cherchait, guillerette, entêtée à me tuer, dans cette solitude, moi. Pourquoi ? Jamais plus, même si je vivais encore cent ans, je ne me promènerais à la campagne. C'était juré."


Louis-Ferdinand Céline, extrait de "Voyage au bout de la nuit"

1.3.11

Te vas ? No. Alas rotas.






Je n'aime pas les peintures de Frida Kahlo, à part peut-être un ou deux autoportraits. C'est vrai, j'encense le surréalisme en littérature, il me plaît encore beaucoup dans la photographie, mais il ne m'émeut pas du tout en peinture (pardon Dali). Maintenant, les goûts et les couleurs, hein. 
Et je n'ai pas vu le film sur Frida Kahlo avec Salma Hayek, parce que je déteste, c'est nuuul je n'aime pas NON PLUS les biopics - ok... sauf Walk the Line, mais là c'est une autre histoire, il y avait Joaquin Phoenix dedans. 

Bref. J'ai toujours adoré le journal de Kahlo, les textes et les dessins qu'il y avait à l'intérieur. Les photos d'elle me plaisent aussi beaucoup. 

"I'm not sick, I'm broken" 
 
Google Analytics Alternative