Liège, Belgique
Maastricht, Hollande
29-30-01-2010/1
CHER,
C'est en ce moment pour moi une sale époque, toutes les époques d'ailleurs sont déguelasses dans l'état où je suis. Vous n'imaginez pas à quel point je puis être privé d'idées. Je n'ai même pas les idées qui pourraient correspondre à ma chair, à mon état de bête physique, soumise aux choses et rejaillissant à la multiplicité de leurs contacts. Et la bête mentale n'en parlons pas. Ce que j'admire, ce pour quoi j'ai appétit, c'est la bête intelligente qui cherche, mais qui ne cherche pas à chercher. La bête qui vit. Il ne faut pas que l'agrégat de la conscience se défasse. Ce qui me fait rire chez les hommes, chez tous les hommes, c'est qu'ils n'imaginent pas que l'agrégat de leur conscience se défasse; à n'importe quelle opération mentale qu'ils se livrent, ils sont sûrs de leur agrégat. Cet agrégat qui remplit chacun des interstices de leurs plus minimes, de leurs plus insoupçonnables opérations, à quelque stade d'éclaircissement et d'évolution dans l'esprit que ces opérations soient parvenues. Il ne s'agit pas de cela, il ne s'agit jamais de cela.
J'en suis au point où je ne sens plus les idées comme des idées, je ne les vois plus, je n'ai plus le pouvoir qu'elles me secouent comme telles, et c'est pourquoi, probablement, je les laisse passer en moi sans les reconnaître. Mon agrégat de conscience est rompu. J'ai perdu le sentiment de l'esprit, de ce qui est proprement pensable, ou le pensable en moi tourbillonne comme un système absolument détaché, puis revient à son ombre. Et bientôt le sensible s'éteint. Et il nage comme des lambeaux de petites pensées, une illumination descriptive du monde, et quel monde!
J'en suis au point où je ne sens plus les idées comme des idées, je ne les vois plus, je n'ai plus le pouvoir qu'elles me secouent comme telles, et c'est pourquoi, probablement, je les laisse passer en moi sans les reconnaître. Mon agrégat de conscience est rompu. J'ai perdu le sentiment de l'esprit, de ce qui est proprement pensable, ou le pensable en moi tourbillonne comme un système absolument détaché, puis revient à son ombre. Et bientôt le sensible s'éteint. Et il nage comme des lambeaux de petites pensées, une illumination descriptive du monde, et quel monde!
Mais au milieu de cette misère sans nom, il y a place pour un orgueil qui a aussi comme une face de conscience. C'est si l'on veut la connaissance par le vide, une espèce de cri abaissé et qui au lieu qu'il monte, descend. Mon esprit s'est ouvert par le ventre, et c'est par le bas qu'il entasse une sombre et intraduisible science, pleine de marées souterraines, d'édifices concaves, d'une agitation congelée. Qu'on ne prenne pas ceci pour des images. Ce voudrait être la forme d'un abominable savoir."
A. Artaud,"nouvelle lettre sur moi-même"
J'ai coupé un passage qui me plaisait moins, comme ça. J'hésite à tricher. Je triche, mais je dis que je triche.
J'ai coupé un passage qui me plaisait moins, comme ça. J'hésite à tricher. Je triche, mais je dis que je triche.
1 commentaire:
changement radical de decor en tout cas... mais toujours de belles photos
Enregistrer un commentaire