28.3.11

50 dessins pour assassiner la magie



"Le 9 décembre 1945, Antonin Artaud écrit, depuis Rodez, à Henri Parisot. Il dénonce les arméees d'envoûteurs qui de toutes parts le guettent pour faire irruption en lui, camper dans son esprit, parasiter sa chair, se nourrir de sa vie
il dit ce que c'est que de porter en soi un telle armée, d'être pour soi-même une terre fourmillante et désertée, de ne trouver à l'intérieur de soi que l'enfer des êtres extérieurs à soi,
il dit, pire que la douleur, que l'éternel enfer est l'explosion de son véritable moi.
Dans cette lettre du 9 décembre 1945, il délire, on peut appeler ça comme ça aussi, il est Jésus mis en croix sur le Golgotha puis jeté sur un tas de fumier, il est le blasphémateur et l'évêque de Rodez, saint Antonin et Lucifer
et dans les cahiers qu'il noircit cet hiver là, il se proclame, en outre, père-mère, homme-femme, matière frénétique de tous les engendrements, matrice de filles innombrables
son corps a pris les dimensions de l'univers entier, est devenu la terre d'élection des théogonies, son esprit le fuit mais ramasse en lui toute l'histoire de l'humanité,
il est le maître du réel, le possible est ce dont il décide, l'infini lui obéit car dit-il,
le réel, comprends pas
il est le réel lui-même, sonore, débordant, pulsatile,
qu'il soit aussi Antonin Artaud
Mr Antonin Artaud né à Marseille le 4 septembre 1896 pour être précis,
il le signale encore, mais c'est de peu d'intérêt, une idée de derrière la tête, une thèse périmée,
en revanche il est une chose qu'il sait, qui surnage dans ce naufrage, une vérité calme et limpide
à laquelle on sent, lorsqu'il l'énonce, qu'il peut, pour un instant au moins, s'arrimer :
Je suis un grand poète et c'est tout."

Première page du livre de Gwenaëlle Aubry, "Personne"
(j'ai respecté la mise en page originale)

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